Si vous lisez régulièrement le blog de l’association axiome, vous verrez que le nom d’Alvin Plantinga revient assez souvent. C’est un philosophe chrétien évangélique prolifique, souvent reconnu comme étant un des plus grands philosophes analytiques contemporains, et il est grandement responsable pour la véritable renaissance de la philosophie chrétienne qui s’est produite dans les départements de philosophie des universités anglo-saxonnes ces 50 dernières années.

Il écrit sur des sujets cruciaux, argumente avec une rigueur à l’épreuve des balles, et en plus trouve le moyen d’avoir un sens de l’humour très fin, de telle sorte que certaines de ses phrases sont tout bonnement hilarantes, tout en argumentant de manière très sérieuse. En bref, c’est un régal de le lire, quelque soit le sujet.

Evidemment, pour le lire en français, il faut se lever de bonne heure; mais si vous lisez correctement l’anglais et que vous voulez vous lancer dans des lectures du grand maître de la philosophie analytique chrétienne, voici un petit guide de lecture.

Quel livre lire en premier? Cela dépend de vos centres d’intérêt. Quel sujet vous intéresse-t-il? Voici certains de ses chefs d’oeuvre que vous trouverez intéressants:

-Si vous êtes intéressés par la notion du savoir, de la connaissance, et de la rationalité de toute croyance, et plus particulièrement de la croyance en Dieu, alors Plantinga est l’expert. Cette discipline qui s’intéresse au savoir, s’appelle l’épistémologie. Contrairement aux théories prévalantes au siècle des lumières, Plantinga affirme et défend la thèse que le savoir ne requiert pas nécessairement un argument ou une preuve. Il montre qu’il y a toutes sortes de choses que l’on sait, et pourtant sans argument: ce sont des croyances « proprement basiques ». Plantinga offre alors un modèle pour évaluer si l’on peut savoir que Dieu existe, sans argument: il offre un modèle de ce qu’il appelle le « Warrant », qui est cet ingrédient supplémentaire à la croyance, pour que cette croyance devienne une instance de savoir, et montre ensuite que selon ce modèle un croyant pourrait tout à fait être justifié, rationnel, « warranted », dans son savoir que Dieu existe, même sans argument. (Et il ne dit pas que nous n’avons pas de bon argument pour l’existence de Dieu, il dit simplement que même si on n’en n’avait pas, cela ne serait pas suffisant pour rendre le théisme irrationnel).

Pour ces sujets, il faut lire son tome classique « Warranted Christian Belief », qui est en fait le volume 3 de sa trilogie sur le Warrant. Récemment, il vient de publier une version plus courte et plus accessible, appelée « Knowledge and Christian Belief », que je conseille donc très fortement.

-Si vous êtes intéressés par la question du problème du mal, et du libre arbitre, Plantinga est l’artisan de la soi-disante « défense du libre arbitre ». Il écrit  beaucoup sur ce sujet, impliquant des notions de « logique modale », et son classique académique en la matière est « The Nature of Necessity ». Il est assez opaque, mais je le conseille fortement, le jeu en vaut la chandelle. Si vous n’avez pas encore lu ce genre de traité difficile de philosophie analytique, vous pouvez préférer son volume un peu allégé et plus accessible, appelé « God, Freedom and Evil ». Après avoir discuté les concepts de logique modale nécessaires, Plantinga les applique à la fois au problème du mal, et au célèbre « argument ontologique » pour l’existence de Dieu. Il a redonné un souffle intéressant à cet argument classique.

-Si vous êtes intéressé par la relation entre la science et la foi, l’évolution et la création, Plantinga a offert encore un argument original et classique, qui consiste à dire que le naturalisme et l’évolution ne sont pas affirmable rationnellement: l’un et l’autre ne vont pas ensemble. Plantinga affirme que si Dieu n’existe pas, et que l’évolution est vraie, alors nos facultés cognitives sont le résultat de mutations génétiques aléatoires et de la sélection naturelle, dans le but non pas de découvrir la vérité, mais de survivre et de se reproduire. Si c’est le cas, Plantinga affirme, alors nos facultés cognitives ne sont pas fiables pour accéder à la vérité, puisque ce n’est pas leur fonction. Mais alors si on ne peut pas faire confiance à nos facultés cognitives, on ne peut pas faire confiance à toutes les croyances qu’elles nous procurent: cela inclut le naturalisme et l’évolution. Un argument fascinant.

Pour ce genre de sujet, lire son tome « Where the Conflict Really Lies », ou bien de manière plus compacte, une critique en ligne de Richard Dawkins’ (cliquez ici), dans laquelle il défend le même argument, le « evolutionary argument against naturalism ».

Les livres ci-dessus sont tous des chefs d’oeuvres qui valent la peine, mais je répète en conclusion que tout ce que touche Plantinga est en général de haute qualité, et il est difficile de se tromper. Alors si vous lisez l’anglais, que vous aimez résoudre des puzzles logiques au sujet de la défense de la foi chrétienne et que vous voulez apprendre un peu de philosophie analytique pour répondre à ce genre de questions, lancez-vous et attrapez un volume d’Alvin Plantinga, vous ne le regretterez pas.