« L’apologétique a pour mission de donner une défense raisonnée du théisme chrétien à la lumière des objections soulevées contre elle et d’offrir des évidences positives en sa faveur. »[1]
Le premier article « Qu’est-ce que l’apologétique? » avait comme objectif de faire une présentation de l’apologétique : définition et fonctions. Dans cet article, j’avais lancé volontairement une réflexion sans la développer :
« Pour ne pas être simpliste, faisons un pas de plus. L’appel ultime à suivre Jésus-Christ est de vivre une vie qui reflète qui il est. Et c’est exactement ce mandat qu’a l’apologétique. »[2]
Le présent article cherche à faire le pont entre les fonctions de l’apologétique et la vie de l’apologiste. C’est-à-dire, que l’appel de Jésus n’est pas de trouver et de donner les meilleurs arguments du monde et de convaincre par la seule raison ou par la force. Mais plutôt, c’est la convergence de l’argumentation et l’incarnation de la réalité de l’évangile.
Un exemple vivant!
Un jour, j’étais assied dans un salon avec quelques personnes qui ne croyaient pas en Dieu, ni l’évangile et qui doutaient même de Jésus. Dans toute ma « délicatesse », j’apportais argument sur argument avec vigueur. J’ai démoli littéralement les raisonnements qui s’élevaient contre Dieu et Jésus. Et comme un coup de pelle en pleine figure, après un bon moment de discussion, il y a une personne qui m’a dit, et je me souviendrai toujours : « Tu me fais peur. Car je ne sens pas que tu m’aimes. J’aime mieux discuter avec quelqu’un d’autre. »
À ce moment, j’ai réalisé que tous mes arguments élevaient un mur, au lieu de le détruire. Le plus sage pour moi dans cette discussion, après réflexion… garder silence. Je suis convaincu que l’obstacle majeur à la réception de l’évangile dans notre société, et notre entourage n’est pas l’habileté à donner des réponses, mais plutôt, l’échec dans notre propre vie à incarner le message que nous voulons communiquer. Être pertinent selon le contexte[3], ce n’est pas seulement vivre d’une manière conforme à ce que nous proclamons, mais ce n’est jamais moins que cela.
Qu’est-ce que l’évangile?
Si nous sommes appelés à défendre et à présenter l’évangile, il convient de se poser la question : « Qu’est-ce que l’évangile? » Le terme « évangile » signifie tout simplement « bonne nouvelle ». C’est un message concernant l’événement qui nous sauve d’un grand péril. L’apôtre Paul nous rappelle ce qu’est l’évangile en 1 Corinthiens 15.1-8 :
« Je vous rappelle, frère, l’évangile que je vous ai annoncé […] et par lequel vous êtes sauvés […] Christ est mort pour nos péchés, selon les écritures; il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour selon les écritures et il a été vu […] »[4]
L’évangile concerne un événement historique. La vie, la mort, l’ensevelissement et la résurrection de Jésus. Mais c’est aussi le message de ce que cet événement accomplit. Cela inclut le transfert de ces accomplissements à une personne particulière.
***À ce point, je dois faire une remarque : L’apologétique vise parfois à répondre à des questions particulières qui à première vue ne semblent pas concernées par l’évangile. Par exemple dans une théologie naturelle qui cherche à présenter des évidences du théisme. La question ne concerne pas nécessairement Jésus et la résurrection. Elle concerne l’existence de Dieu. Quand même, l’évangile demeure l’arrière-plan sur lequel l’apologétique travaille. Autrement dit, chaque élément devrait construire ultimement, souvent par cumul, à exposer l’évangile. La raison pour cela est celle-ci :
Le christianisme n’est pas fondé seulement sur l’affirmation de l’existence de Dieu. Mais sur l’affirmation supplémentaire que Dieu s’est révélé en la personne de Jésus.
Point de départ
L’évangélique Irlandais Gypsy Smith un jour a dit : « Il y a cinq évangiles. Matthieu, Marc, Luc, Jean et le chrétien, et certaines personnes ne liront jamais les quatre premiers. »[5] Autrement dit, l’évangile est vu avant d’être entendu. De façon générale, on regarde à 1 Pierre 3.15 pour définir en terme biblique l’apologétique :
« Mais sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur; soyez toujours prêts à vous défendre (apologia) contre quiconque vous demande l’espérance qui est en vous : mais faites-le avec douceur et crainte. »
Le terme « apologia » dans l’original y apparaît et l’on y voit donc la tâche de défendre notre espérance. Ce qui n’est pas faux. Il faut premièrement noter qu’avant même de donner une réponse, celui qui va la donner est appelé à certains prérequis. Pierre met en relief un équilibre qui n’est pas facilement conservé dans la pratique, à savoir la qualité de vie et la clarté de la réponse. Mais regardons de plus près ce passage, car Pierre dit beaucoup plus que cela.
1) Une qualité de vie
La première question que l’on doit se poser c’est : est-ce que Dieu a agi premièrement dans ma vie? Dans les faits, que tu sois musulman, hindou, bouddhiste, athée, ou autre, chacune de ces croyances va élever ses propres standards de qualité de vie spirituelle ou intellectuelle. En ce qui concerne le christianisme, l’appel ultime à suivre Jésus-Christ est de vivre une vie qui reflète qui il est, et dans le contexte du passage en question, cela peut aller jusqu’à la persécution (1 Pi 3.9-14). « Sanctifiez dans vos cœurs Christ (Jésus) le Seigneur »! Cela demande donc une transformation radicale. Rien de moins que la Seigneurie de Jésus sur notre vie.
Les premiers effets de venir à connaître Jésus-Christ sont les désirs et la poursuite de Jésus lui-même. L’idée de « sanctifier Christ », dans ce contexte, c’est que l’on doit regarder Jésus-Christ comme de la plus haute importance. La valeur que l’on accorde à Jésus est essentielle. On peut dire que nous vivons ou nous mourrons à cause du caractère unique de Jésus. La foi chrétienne tient ferme ou s’écroule avec le caractère unique de Jésus-Christ!
L’apologiste sera vraiment efficace quand il aura une vie conséquente au message qu’il proclame. La valeur de Jésus est une partie essentielle du message, mais ce n’est pas le seul message. L’évangile s’intéresse à toi et ta transformation à l’image de Jésus. Jésus lui-même se dresse comme un modèle à imiter. Et plusieurs personnes devraient considérer les pensées du puritain Richard Baxter :
« Il s’agit d’une erreur manifeste de certains « pasteurs », qui font une telle disproportion entre leur prédication et leur vie; ils étudient fort pour prêcher avec exactitude, et étudie peu ou pas du tout à vivre avec exactitude. »[6]
Malgré le fait qu’il parle à des pasteurs, le conseil il me semble s’applique à tous, même à ceux qui ne croient pas au christianisme.
2) Une clarté de réponse
L’apologiste a comme mandat de donner des réponses claires et intelligibles aux questions et objections concernant le christianisme. Pierre nous appelle à être prêts à défendre. Mais le texte n’arrête pas là. « Contre quiconque demande ». Cela suggère qu’il y a une grande variété de personnes qui peuvent faire des objections ou poser des questions. Pierre invite donc à être prêt. Autrement dit, l’étude est utile dans le développement de la vie chrétienne et aussi à la présentation de l’évangile. Une étude balancée entre le message proclamé et la vie de celui qui proclame est nécessaire.
Le christianisme ne néglige pas l’intelligence. C’est un outil puissant! Négliger l’intelligence a des conséquences désastreuses. La défense du christianisme est un acte conscient et réfléchi.
Exposé une philosophie, croyance ou une découverte scientifique demande de l’habileté. Randy Newman amène un point intéressant sur ces questions. Il parle de trois habiletés dans la communication du christianisme. Voici ce qu’il dit :
« La première et la plus basique impliquent : déclarer l’évangile. Cela inclut l’habileté de clarifier et d’exprimer de façon concise le message du salut. […] Déclarer l’évangile inclus aussi le partage de ta propre histoire. […] La deuxième
habileté d’évangélisation est l’habileté à défendre l’évangile. Anticiper les questions communes […] planifier comment délivrer les informations dans des termes logiques … 1 Pi 3.15. La troisième habileté est appelée : le dialogue. »[7]
Remarquez que tout ce que nous avons dit jusqu’ici est dans ce petit paragraphe :
1) Exposer un message à travers une vie transformer par ce même message.
2) Étudier et planifier la communication et enfin
3) Entrer en communication, en dialogue.
Dans mon histoire plus haute, j’avais perdu de vue que c’était un dialogue. L’objectif n’est pas de pointer le doigt sur tous nos échecs. Mais plutôt de mettre le doigt sur la nécessité de considérer nos contemporains et d’analyser notre propre cœur. Cela demande un amour pour la (les) personne(s) à qui nous discutons, et aussi une capacité à écouter. Étudier et écouter des questions et des objections nous permet de comprendre mieux nos contemporains. Ce n’est pas seulement de comprendre une opinion, mais bien les aspirations, les espoirs et les désirs qui motivent toutes personnes qui posent une question. En fin de compte, nous voulons présenter un message rempli d’espoir qui s’applique dans la vie réelle de ceux-ci.
Il faut noter que chez Pierre, le contenu que l’on doit défendre c’est « l’espérance qui est en nous. » L’espérance est ce qui nous contrôle. Après la Seconde Guerre mondiale, combien de fois avons-nous entendu quelqu’un demander aux survivants : « Qu’est-ce qui t’a permis de rester en vie? » L’espoir! Et l’une des pires cruautés, c’est la destruction de l’espérance. Même les personnes qui ne croient pas en Dieu approuvent ce fait.
Bertrand Russell (1872-1970), célèbre philosophe athée, quand il avait environ 90 ans en Angleterre, on là interviewé. On lui a posé la question : « Qu’est-ce que vous avez à préserver à cet âge de ta vie? Qu’est-ce qui te soutient? » Il a répondu : « Je n’ai rien pour me soutenir que le désespoir. » Il comprenait la signification de la mort de Dieu.
La raison pour laquelle le chrétien a une espérance, c’est l’évangile. C’est ce qui devrait nous contrôler et c’est que nous devrions vouloir communiquer. L’appel ultime à suivre Jésus-Christ est de vivre une vie qui reflète qui il est. Il y a un lien nécessaire entre notre attitude et ce qui est communiqué. L’expérience confirme cela. L’apologétique doit être en mesure de montrer sur le plan de l’intelligence que le christianisme est vrai et aussi de manifester visiblement qu’il ne s’agit pas d’une théorie[8].
Je vous laisse sur les paroles de Carl Henry :
Carl Henry a dit : « Comment un homme peut-il être arrogant quand il se tient devant la croix? »[9] La croix est la mesure de notre apologétique dans son contenu et dans la manière de présenter.
[1] Craig William L., and Moreland J.P., Philosophical foundations for a Christian Worldview, IVP Academic, interVarsity Press, 2003, p.14.
[2] Blogue : Jean-Luc Lefebvre, http://www.associationaxiome.com/quest-ce-que-lapologetique/
[3] Expression référant au premier article : « L’apologétique veut et doit faire face aux questions de notre temps de manière à rejoindre celui qui pose des questions et cela de façon pertinente selon le contexte. »
[4] Par souci d’économie, j’ai gardé l’essentiel du passage : Voici le passage au complet 1 Corinthiens 15.1-8 :
« 1Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, 2et par lequel aussi vous êtes sauvés, si vous le retenez dans les termes où je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain.
3Je vous ai transmis, avant tout, ce que j’avais aussi reçu : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; 4il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, 5et il a été vu par Céphas, puis par les douze. 6Ensuite, il a été vu par plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants, et dont quelques-uns sont décédés. 7Ensuite, il a été vu par Jacques, puis par tous les apôtres. 8Après eux tous, il s’est fait voir à moi comme à l’avorton. »
[5] Zacharias, Ravi, The Church’s role in apologetics and the development of the mind, in Zacharias, Ravi et Coll., Beyond Opinion: Living the faith we defend, Thomas Nelson, Nashville, 2007, p.304.
[6] Baxter, Richard, The reformed pastor, The banner of truth trust, Edinburgh, 2007, p.63-64.
[7] Randy Newman, Questioning evangelism: Engaging people’s hearts the way Jesus did, Kregel, 2004, p.14-15.
[8] Schaeffer, Francis A., Dieu illusion ou réalité? Édition Kerygma, Aix-en-Provence, 1968, p.131.
[9] SEMBEQ, 2012, cité par D.A. Carson dans le cours théologie de l’église.
Jean-Luc Lefebvre, B.Sc., M.A. Théologie
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