Je n’ai pas publié beaucoup d’articles dernièrement. Je vais commencer à publier quelques biographies de certaines des apologistes chrétiens les plus importants, mais peu connues. Avant de commencer cette série, de nature historique, j’aimerais publier quelques réflexions au sujet d’un petit terme qui va revenir souvent dans cette série : influence. Un des éléments que nous allons voir dans cette série est l’influence que certains penseurs auraient eue sur d’autres penseurs, que ce soit leurs contemporaines ou, par moyen de leurs écrits, ceux qui les suivent. La question de l’influence peut-être très difficile à régler.

 

Il y a, au moins, trois éléments qui doivent arriver pour qu’on puisse démontrer l’influence d’un penseur sur un autre, tel que : (1) un moyen par lequel les pensées de l’un se sont présentées devant un autre (que ce soit par communication de vive voix, ou par écrit ; que ce soit au moyen d’une source primaire ou secondaire, etc.) ; (2) l’évidence de l’influence dans les écrits de celui qui était influencé (que ce soit des termes définis de la même manière, que ce soit l’utilisation des mêmes concepts de la même manière, que ce soit les mêmes arguments, etc.) ; et (3) qu’il y ait l’évidence d’une dépendance de l’un sur l’autre, et que l’apparence d’influence ne soit pas une simple coïncidence (par exemple, c’est déjà arriver pour moi que j’ai était arriver, par réflexion, à une conclusion, et que, plus tard, j’ai découvert un autre auteur qui est arrivé, avant moi, à la même conclusion. Ici on ne peut pas parler de l’influence, mais de coïncidence. Un exemple bien connu de coïncidence serait l’argument à partir de la raison contre le Naturalisme offert par Alvin Plantinga, qui se ressemble à celui de C. S. Lewis. Plantinga ne savait pas que Lewis avait développé un argument semblable jusqu’après qu’il avait développé son propre argument à partir de la raison contre le Naturalisme.). L’influence est évidente lorsqu’un auteur fait référence à un autre auteur.
Quand on parle de l’effet de l’influence, il faut distinguer entre influence négative et influence positive. Une influence positive arrive lorsqu’un penseur accepte, implicitement ou explicitement, les pensées d’un autre penseur, et utilise ces idées dans le développement de ses propres idées. Donc, nous voyons, par exemple, une influence positive de Platon sur Augustine, de Sénèque le Stoïque sur Jean Calvin, et d’Emmanuel Kant sur Cornelius Van Til. Une influence négative arrive lorsqu’un penseur n’accepte pas, implicitement ou explicitement, les pensées d’un autre penseur, et que ce rejet est intégral au développement de leurs propres idées (autrement dit, que les pensées d’un auteur surgissent, ou se raffinent, en opposition aux pensées d’un autre). On pourrait parler, alors, d’une influence négative d’Héraclite sur Platon, d’Aristote sur René Descartes, et de Thomas d’Aquin sur Guillaume d’Occam ou Jean Duns Scots.
Quand on parle de la manière dont une personne est influencée, on peut aussi distinguer entre une influence directe, indirecte, et ce que je vais appeler une influence subtile. Une influence directe arrive lorsqu’un penseur a lu une source primaire qui l’a influencée dans le développement de ses pensées (positivement ou négativement). Alors, nous pourrions dire que Platon avait une influence directe sur Augustine qui avait lu et étudié les écrits de Platon lui-même. Pietro Martyr Vermigli était directement influencé par Aristote. Jean Calvin était directement influencé par Sénèque.

Une influence indirecte arrive lorsqu’un penseur a lu une source secondaire expliquant les pensées d’un autre, et que c’est l’interprétation de l’autre penseur qui est proposée par cette source secondaire qui influence le développement de ses pensées (positivement ou négativement). Alors, selon certaines, on pourrait dire que Thomas d’Aquin à une influence indirecte sur les pensées de Jean Calvin, parce que la connaissance que Calvin avait des pensées de Thomas d’Aquin était surtout reçue à travers les thomistes de son jour qui lui présentaient avec leur interprétation de Thomas d’Aquin.
L’influence subtile n’est pas explicite, mais, au contraire, c’est ce qui arrive lorsqu’on n’est pas au courant du fait qu’on est en train de se faire influencer par les pensées d’une personne. Ceci peut arriver de plusieurs manières, telles que les films, émissions de télévision, les annonces, les écrivains des articles de journaux qu’on lit, les nouvelles, la musique qu’on écoute, ce qu’on entend sur la radio, les babillards, la manière que nos parents et amis agissent, nos professeurs d’école primaire, secondaire, etc. Nos pensées sont, en plus, formées non seulement par ce qui est dit ou transmis, mais par la manière dont les informations sont transmises, par exemple, avec mépris, avec joie, avec colère, avec ambivalence, etc. Le côté néfaste de l’influence subtile est qu’à moins d’être au courant de l’histoire de la pensée (autant théologique que philosophique), il se peut qu’on adopte une position qui est contraire à la Bible (qui provient d’un penseur non croyant), tout en pensant que cette position est biblique ; et ceci parce qu’on l’a lu dans un penseur chrétien (dont ses pensées étaient influencées par l’autre penseur non croyant) qui pense trouver cette position dans la Bible. Comme, par exemple, la notion qu’il n’y a pas de lieu commun à partir duquel on peut porter un regard « objectif » sur les idées de la philosophie et théologie pour les vérifies. Cette notion trouve ces racines, non dans la Bible, mais dans la philosophie d’Emmanuel Kant ; et c’était développer, ensuite, par plusieurs penseurs post-kantiens tels que Martin Heidegger dans Être et Temps, Cornelius Van Til dans son système présuppositionaliste, et, en générale, dans des différentes versions du post-modernisme. Un autre exemple pourrait être la notion des idées innées qui est si importantes pour Augustine, Jean Calvin, Charles Hodge, et Cornelius Van Til, mais qui trouve ses racines, à l’origine, chez Platon (et non dans la Bible), et qui était cheminée, à travers l’histoire de la pensée, à travers les écrits platoniciens et néo-platoniciens.
C’est normal qu’une personne soit influencée par plusieurs penseurs ; et, fur et à mesure que l’histoire de la pensée avance, la plus que les penseurs vont avoir plusieurs sources d’influence. Par exemple, Platon était influencé par 4 ou 5 penseurs présocratiques (scientifiques, mathématiciens, philosophes, etc.), des mythes et religions de son temps, et Socrate, et peut-être d’autres sources qu’on ne connaît pas ; donc, on pourrait parler d’une dizaine ou vingtaine de sources. Lorsqu’on arrive à quelqu’un comme C. S. Lewis ou Cornelius Van Til, on est obligé de dire qu’ils sont influencés par des centaines de sources, sinon plus. Van Til, par exemple, était extrêmement influencé (positivement) par Emmanuel Kant, qui était, à son tour, influencé par David Hume, Christian Wolff, René Descartes, et d’autres ; qui étaient, à leur tour, influencés par des multitudes de penseurs, qui étaient influencées par des multitudes de penseurs qu’on peut retracer jusqu’à, au moins, Platon et les prophètes de l’Ancien Testament. Donc, ce n’est pas anormal de dire qu’un commentateur de la Bible, un Pasteur d’une église, un professeur dans un Séminaire Chrétien, ou un professeur d’école de dimanche était non seulement influencer par la Bible (de manière directe et positive), mais, était aussi influencer (de manière indirecte ou subtile, et de manière positive) par les pensées de Friedrich Nietzsche ou d’Emmanuel Kant. Ce qui est dangereux, dans une telle situation, est quand la personne de qui on parle ne sait pas qu’il ou elle est influencée par d’autres penseurs, dans quelle mesure, et sur quel point.
Tous les penseurs humains sont influencés, positivement, négativement, et subtilement, par d’autres penseurs humains. Par exemple, si tu as moins que 30 ans, alors tu es influencé (subtilement du moins) par les pensées de Soren Kierkegaard, Friedrich Nietzsche, et Martin Heidegger, et ceci parce que (1) vos professeurs d’école primaire étaient influencés (dans une des trois formes d’influence) par leurs professeurs d’université, qui était, eux-mêmes influencer (dans une des trois formes d’influence), par ces penseurs ; (2) les médias que vous consommez sont influencés par ces penseurs ; etc. Si tu as entre 30 ans et plus, alors tu es un peu influencé par Kierkegaard, Nietzsche et Heidegger, mais beaucoup plus par Emmanuel Kant, Hegel, René Descartes, etc. La seule manière de diminuer l’effet de l’influence est de (1) connaître ce que ces penseurs enseignaient (2) reconnaître leur influence sur vos propres pensées, et (3) porter un œil critique sur ces points. De là l’importance, même pour les chrétiens (et même pour ces chrétiens qui servent dans une église de manière bénévole), de l’étude de l’histoire de la philosophie.
Il faut faire, à ce point, un avertissement contre une manière dont certaines personnes pourraient comprendre la notion d’influence. Il faut éviter ce qu’on appelle, en logique, l’erreur génétique. C’est-à-dire, ce n’est pas parce que personne 1 est influencer par personne 2 (qu’on voit comme étant en erreur) que personne 1 est en erreur. L’erreur génétique arrive quand on affirme que parce qu’une idée vient de source X l’idée est fausse. Pour prendre un exemple extrême de cette erreur, on pourrait dire que si je cite des paroles d’Hitler, alors, étant donné que ce que je dis provient d’Hitler, et Hitler était en erreur (ou une personne mauvaise), ce que je dis est automatiquement faux. Ou, si on critique l’idée d’une personne parce qu’ils disent l’avoir eu d’un songe. Même si tu penses que les songes ne peuvent pas arriver, ce n’est pas pour ceci que l’idée est fausse. Cette erreur arrive parce qu’on mélange la crédibilité de la source avec la vérité de l’affirmation, idée ou théorie. Des affirmations, idées et théories sont vraies ou fausses indépendamment de leur source. Donc, il ne faut pas écarter les pensées d’une personne sur la simple base qu’il était influencé par un autre penseur qu’on voit comme étant erroné.
C’est important, par exemple, de connaître les penseurs qui nous ont influencés, et de connaître ceux qui influencent nos interlocuteurs, les penseurs qu’on lit, etc. Connaissant l’influence nous aide à mieux comprendre, saisir, et critiquer une position, mais le fait de l’influence, tout seul, ne dit rien au sujet de la vérité ou fausseté d’une idée (qui doit être déterminé sur d’autres bases). Alors, par exemple, le fait que Jean Calvin était influencé par Sénèque, Aristote, Augustine, et les thomistes du 16e siècle ne peut pas être utilisé pour dire que Calvin à soit raison ou tard. En fait, le fait même que les idées de quelqu’un étaient influencées par la Bible n’est pas une démonstration que cette personne à raison. Si le simple fait d’être influencé par la Bible était assez pour avoir raison, alors il faudrait dire que des religions telles que les Témoins de Jéhovah, Islam, et les mormons, ainsi que des penseurs tels que Spinoza, Heidegger, et Pélage avaient tous raison parce qu’ils sont tous influencés, d’une manière ou d’un autre, par la Bible. Si le simple fait d’être influencé par les penseurs protestants était assez pour avoir raison, alors il faudrait dire que Heidegger a raison parce qu’il était influencé par Luther, Kant a raison parce qu’il était influencé par les protestants allemands, etc.